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II – A la recherche d’acteurs
Le premier choix de Bruce pour interpréter Cord, le chercheur qui est la vedette de l’histoire, a été Steve McQueen (1930-1980), un de ses élèves et ami. Il est donc allé avec Siliphant chez lui pour lui proposer l’idée. McQueen a rejeté la proposition en disant qu’il était trés occupé, mais quand Bruce a insisté pour connaître la vraie raison: « Sois honnête ». McQueen a été sincère: « C’est un film pour faire de Bruce Lee une star. Je t’aime bien mais ce n’est pas mon problème. Je ne vais pas te supporter ». Bruce n’a rien dit sur le moment, mais cette réponse avait touché une fibre extrêmement sensible en lui. Juste après être sorti de la maison, il a affirmé à Siliphant: « Je vais être plus connu que lui ». |
Steve McQueen est l’acteur que Bruce respecte le plus, mais il pense peut-être, non sans raison, qu’il est trop proche de lui; Steve comme Bruce, est une boule de nerf qui ne reconnaît aucune autorité; c’est plutôt l’inverse qu’il faut à Bruce, une personnalité souple, liante, et arrangeante… comme James Coburn! (source: Bruce Lee 1940-1973 de Christophe Genet) |
Après McQueen, ils sont allés tous les deux voir James Coburn (1928-2002), qui vu son intérêt pour la philosophie orientale et son attachement dans les arts martiaux, a accepté de jouer le rôle principal. Mais dès l’arrivée de Coburn, Siliphant a refusé en alléguant qu’il était déjà fatigué d’écrire par obligation. Dans une tentative pour calmer le jeu, les trois hommes ont décidé de contacter un scénariste début 69 pour qu’il donne forme aux idées de Bruce. La tâche a été confiée à Mark Siliphant, neveu de Stirling et auteur qui avait plus la vocation que l’expérience, mais les résultats n’ont pas été du tout satisfaisants. (source: « Bruce Lee l’homme derrière la légende ») |
Extrait d’une lettre écrite par Bruce Lee à George Lee: « Ainsi que je te l’ai déjà mentionné, nous préparons un scénario, Coburn, Silliphant et moi. Les stars en seront Coburn et moi. Nous espérons démarrer le tournage à la fin de cette année, si l’emploi du temps de Coburn le permet. Sinon, ce sera en mars prochain. Dans tous les cas, ce sera le début de quelque chose de vraiment, vraiment grand pour moi ». |
Extrait d’une lettre écrite par Bruce à M. Jhoon Goo Rhee en mars 69: « Nous avons eu vendredi dernier une réunion de travail sur le projet « Leng », Coburn, Siliphant et moi. Leng est le nom de code pour notre film d’arts martiaux. Leng est un mot chinois qui signifie « magnifique ». Dans tous les cas ce sera une avancée majeure. Stirling ne s’est pas formalisé que son neveu Mark ait été écarté du travail d’écriture, et il est d’accord, ainsi que Coburn pour louer les services d’un professionnel pour ce travail. Nous allons accélérer le processus dès qu’un scénariste arrivera avec le premier jet. Nous avons une autre réunion la semaine prochaine. Tout se met en plan pour une énorme affaire ». (source: »Correspondre avec Bruce Lee »-Guy Trédaniel éditeur)
Bruce, Silliphant et Coburn souhaitent tourner le film en Thaïlande, au Japon et au Maroc. Les personnages du film s’exprimant dans leur langue.
Bruce Lee anticipe une nouvelle vision cinématographique. Une vision avant-gardiste de l’action dans laquelle seront combinées toutes les formes de défense et d’attaque du corps humain, l’art martial. Bruce: « Il y eut une époque pour immortaliser le héros de western, puis l’escrimeur. Le tour de l’art martial viendra bientôt si je réussis à faire avec James Coburn (Notre homme Flint) un nouveau film dans lequel nous partagerons la vedette, The Silent Flute. J’aime beaucoup le travail d’acteur. Mon prochain rôle sera formidable: The Silent Flute. Il y aura James Coburn, et plein d’artistes martiaux du monde entier. Nous tournerons au Japon« . (octobre 69- source: Paroles de dragon aux éditions Guy Trédaniel éditeur)
Siliphant tout comme Coburn ont décidé d’investir 12 000 dollars pour engager un scénariste professionnel, lequel a présenté un projet qui, à la plus grande déception de tous, avait transformé les idées de Bruce en une histoire de « science fiction et de sexe », selon Siliphant lui-même. Ils ont écarté ce scénariste et, en voyant que Bruce était chaque fois plus désespéré, Silliphant a finalement accepté et a proposé une écriture régulière du scénario trois jours par semaine.
Linda Lee: « C’était purement amical; il n’y avait aucune garantie de production. Les mois suivants, ils se sont réunis chaque lundi, mercredi et vendredi de 16h à 18h, en se promettant qu’il n’y aurait aucune interférence dans cet horaire: aucun oubli ou excuse de travail ou familial jusqu’à ce que ce soit terminé ».
Ils se sont mis à fond dans ce que Bruce a baptisé Projet Leng (du cantonais Beau Projet, qui était le nom pour désigner The Silent Flute). Avec ce rythme de travail, le scénario a pris forme et une fois achevé, Silliphant s’est consacré à la finition en mai 70 et il fut prêt à remettre à Ted Ashley, dirigeant de la Warner Bros. Coburn serait la vedette et Bruce jouerait cinq rôles différents qui deviendraient un des grands attraits de l’histoire. La Warner a aimé le scénario et ils ont accepté de le mener à bien, mais ont mis une condition irrévocable: le film devrait être tourné en Inde, où la production avait une somme importante de roupies bloquées (l’argent que les films de la Warner avaient rapporté en Inde et que le gouvernement indien refusait de remettre aux Etats-Unis). Cela ne convenait pas avec l’idée originale de Bruce qui proposait une histoire orientale qu’il pensait tourner au Japon et l’Inde n’offrait pas les paysages qu’il souhaitait, et n’avait pas de lutteurs qui pourraient être à la hauteur du projet. Mais comme c’était mieux que rien, les trois hommes ont accepté la proposition. « Je fais un film, The Silent Flute, pour la Warner Bros cet automne en Inde, le film est basé sur les arts martiaux et sortira en 72 », a écrit Bruce à William Cheung.
Extrait d’une lettre écrite par Bruce en janvier 70 à Wong Shun Leung: « Récemment, j’ai constitué une société de production cinématographique. J’ai également écrit une histoire La Flûte Silencieuse. James Coburn et moi jouerons dedans. Stirling Silliphant est l’auteur du scénario. C’est un fameux scénariste. Nous avons en projet de faire le tout premier film d’arts martiaux produit à Hollywood. Les perspectives sont bonnes. D’ici six mois, le tournage va commencer. Tous ceux qui vont participer au film sont mes élèves. Dans le futur, Steve McQueen pourrait également travailler avec moi. Je suis vraiment enthousiasmé par cette perspective ».
Lettre écrite en février 70 à William Cheung: « Je ferai en Inde à l’automne prochain un film intitulé La Flûte Silencieuse pour Warner Brothers. Le film est basé sur l’art martial et sera distribué en 72. Tu vas l’adorer. J’ai écrit l’histoire originale. Le scénario est un effort commun, supervisé par Stirling Silliphant, un des scénaristes les plus doués d’Hollywood ». (source: Correspondre avec Bruce Lee)
La fin que Bruce avait imaginée pour The Silent Flute, quand le chercheur trouve le livre et y voit son reflet, découvre que la réponse qu’il cherche se trouve en lui; alors, si la réponse est en soi, il n’a pas besoin d’emporter le livre. Bruce idéalisait l’image de cette fin; il l’a d’ailleurs recyclée pour son Game of death. (source: Bruce Lee l’homme derrière la légende)
A la base, c’est l’histoire de la quête d’un homme sur la voie de sa libération, son retour à son sens de la liberté originelle. Au contraire du héros de western le plus rapide l’Ouest, le personnage n’a pas affûté ses outils pour détruire son antagoniste; au lieu de cela, ses coups de pied latéraux, ses revers de poing, ses crochets et ainsi de suite, sont d’abord dirigés contre lui-même. (extrait d’une note de Bruce intitulée The Theme pour The Silent Flute, mai 1970- tirée du livre Vivre avec Bruce Lee aux éditions Guy Trédaniel éditeur)
Bruce Lee: « Il est temps que nous ayons un héros oriental ».
Lee commence à siffler un thème du film en battant la mesure sur la table à café. Il a l’air d’un gosse heureux. Un gosse heureux particulièrement redoutable.
« Dans ce film, il y aura quelque chose qui touchera des personnes très différentes à des niveaux très différents. Il y aura assez de violence pour satisfaire presque n’importe qui. Ensuite il y aura l’étude de l’évolution d’un homme, et la façon dont Coburn rencontre des gens, découvre la mort et l’amour, à la recherche de l’ultime vérité ». (source: Paroles de dragon aux éditions Guy Trédaniel éditeur)
« Chaque homme doit chercher sa propre réalisation. Aucun maître ne peut la lui donner. » (citation tirée des notes manuscrites de Bruce pour Silent flute, 1970)
Bruce, Coburn et Siliphant annoncent leur projet de film sur l’âme des arts martiaux dans le magazine de karaté américain Black Belt (parution en octobre 70) |